Ce que sont les météores et les comètes

 

GEJ6 C166
Ce que sont les météores et les comètes

1. Or, comme nous revenions vers la maison et n’en étions plus qu’à une trentaine de pas, il arriva qu’un gros météore incandescent, venant du nord, passa juste au-dessus de nous en direction du sud, cela à une telle vitesse qu’il ne lui fallut que quelques instant pour parcourir la distance de quatre cents lieues au moins qui séparait les deux horizons.

2. A cette apparition, Lazare, qui était encore quelque peu superstitieux, Me dit avec une certaine agitation : « Seigneur, cela n’annonce rien de bon ! »

3. « Pourquoi donc ? lui demandai-Je. En quoi cela pourrait-il présager un malheur ? »

4. Lazare : « Une très vieille légende populaire explique ainsi ce phénomène : chaque fois qu’un très méchant homme meurt sur cette terre, sept des pires diables s’emparent de son âme et l’entraînent dans les airs. De frayeur et de douleur, elle perd en chemin toute sa substance, et, naturellement, comme elle appartient au plus bas des enfers, ce qu’elle perd ainsi dans sa frayeur est tout de feu. Or, ces immondices diaboliques et infernales empoisonnent les airs, et, lorsqu’il en tombe par hasard une partie en quelque lieu de la terre, alors, les malheurs s’y succèdent, et il faut bien des sacrifices et des prières pour purifier cet endroit. – Telle est cette légende. Bien sûr, je ne prends pas du tout cela pour argent comptant: pourtant, et c’est fort singulier, l’homme a quelque peine à se débarrasser de bien des choses qu’il a en quelque sorte sucées avec le lait maternel. Une espèce de croyance y demeure toujours attachée, qui revient parfois lorsque survient l’un de ces phénomènes inexplicables, et qui remplit l’âme de crainte. – Mais Toi, Seigneur, dis-Moi ce qu’il y a de vrai dans tout cela, »

5. Je dis : « Pour ce qui est de la légende, absolument rien ; mais le phénomène lui-même, qui est tout naturel, est nécessairement bien réel, sans quoi on ne le verrait jamais. Quant à ce qu’il en est, Je vais te le montrer à l’instant d’une manière pratique ; aussi, sois attentif.

6 Regarde cette pierre : si quelqu’un disposait d’une force extraordinaire capable de la lancer dans les airs si puissamment qu’en un instant, elle parcourrait ne serait-ce que cent lieues, le frottement des couches de l’air la porterait instantanément à l’incandescence, tel un métal en fusion. Mais l’air traversé par cette pierre s’échaufferait lui aussi et formerait, derrière la pierre ainsi lancée, une queue à l’aspect incandescent, qui, cependant, se refroidirait rapidement et donc disparaîtrait – exactement comme tu l’as vu avec ce météore qui vient de passer au-dessus de nous. Cette queue n’est donc pas faite des immondices d’une âme que des diables emporteraient dans leurs griffes, mais seulement d’air porté à l’incandescence par le vol extrêmement rapide de la pierre. Afin que tu le comprennes mieux encore. Je vais maintenant prendre cette pierre et, par la force de Ma volonté, la projeter à une grande vitesse dans les airs, puis la faire revenir ici, ce qui te débarrassera entièrement de ta vieille croyance enfantine. »

7. Là-dessus, Je soulevai la pierre, qui pesait près de dix livres, et la fis tournoyer dans les airs en larges cercles à la vitesse de l’éclair. Pendant quelques instants, elle fut plus brillante encore que notre météore naturel, et, lorsqu’elle retomba devant nous, elle flamboyait encore comme du minerai en fusion, répandant autour d’elle une chaleur presque insupportable ; et lorsqu’on y posait du bois, il se mettait aussitôt à brûler d’une flamme claire, ce qui émerveilla fort Lazare.

8. Je lui dis avec amitié : « Voilà, frère, ce que sont tes sept diables consommés emportant l’âme d’un méchant ! Dans deux heures à peine, cette pierre sera tout à fait refroidie.

9. Ne t’es-tu jamais dit, en ton for intérieur, que la prêtrise avait toujours fort bien su, devant les foules aveugles, mettre à profit tous les phénomènes naturels extraordinaires ? Elle expliquait les éclipses de Lune et de Soleil, les comètes, les grandes tempêtes, les apparitions de feux aériens et autres phénomènes rares comme des mauvais signes extraordinaires du ciel et ordonnait surle-champ des prières et de grands sacrifices. On enseignait cela même aux enfants, et c’est pourquoi, dès que l’un de ces phénomènes se manifestait, le peuple apeuré accourait vers les prêtres, qui ordonnaient aussitôt ce qui les servait le mieux. – Eh bien, frère, comprends-tu à présent d’où te vient tout cela ? »

10. Lazare dit : « Oui, je le vois bien à présent ; mais je ne pouvais le comprendre jusqu’ici. Ah, ces prêtres sont vraiment des coquins oints de toutes les huiles diaboliques ! Je Te rends grâce, ô Seigneur, de cette explication ; car ce n’est que maintenant que je comprends tout à fait clairement ce que m’ont fait endurer ces méchants imposteurs. – Pourtant, les comètes ne sont-elles pas véritablement annonciatrices de guerres ? »

11. Je dis : « Oui et non ! Elles le sont parce que le peuple y croit, aussi les anges choisissent-ils ce signe, en soi parfaitement innocent, pour annoncer aux hommes indisciplinés la venue d’un jugement. Si les hommes y croient et font pénitence, la comète ne sera pas suivie d’une guerre ; mais s’ils ne s’amendent pas, la guerre ne se fera pas attendre, toujours suivie de maux plus grands encore que la guerre elle-même.

12. Mais en soi, les comètes ne sont rien d’autre que des planètes en devenir qui se constituent peu à peu selon le plan divin, et, en cela, elles ne sont pas annonciatrices de guerres.

13. Tu te dis, bien sûr, que Dieu pourrait aussi bien créer un monde en un instant. Oh, assurément ; mais alors, il n’y aurait pas d’ordre en Dieu, ni dans une créature née aussi soudainement. Mais Dieu fait naître les mondes de Son ordonnance, chaque chose succédant à une autre, et c’est ainsi qu’il y a une unité parfaite dans l’infinie diversité des pensées et des idées divines.

14. Par ailleurs, une telle comète est elle-même le lieu d’un grand jugement pour une certaine espèce d’esprits. Ces esprits doivent se lier toujours plus intimement les uns aux autres afin de former à la longue, dans l’espace, une masse de matière hétéroclite. Nous appelons enveloppement[Le mot employé, signifie à proprement parler le fait de s’envelopper dans une « gousse » (HÜlse), (N.d.T.)] des puissances spirituelles cette constitution d’une masse solide et visible, et c’est cet enveloppement qui constitue en soi le jugement au terme duquel, bien longtemps après, les esprits prisonniers de ce jugement pourront finalement en sortir pour accéder à une vie libre et autonome. Et c’est précisément parce que les comètes sont le lieu d’un jugement qu’elles ont cette influence lorsqu’elles s’approchent trop d’une terre depuis longtemps achevée, ou du moins que les anges de Dieu l’utilisent pour influencer une vieille terre en sorte d’y susciter un jugement qui jette les hommes les uns contre les autres – bien sûr uniquement quand cela est nécessaire, c’est-à-dire quand les hommes ont par trop oublié Dieu et se prennent eux-mêmes pour des dieux. – Tu sais à présent ce qu’il faut penser des comètes, aussi pouvons-nous quitter ce lieu, à moins que tu n’aies une autre question à poser ? »

15. Lazare dit : « Seigneur, deux petites choses encore ; puisque, grâce à Ta bonté, je sais déjà tout cela, j’aimerais savoir encore ce peu de chose, afin que ma science ne soit pas par trop incomplète. Voici de quoi il s’agit : j’aimerais que Tu me dises encore, premièrement, d’où viennent à l’origine les météores naturels et qui les précipite dans les airs avec une force si inconcevable, et ensuite, où vont les comètes lorsqu’elles disparaissent peu à peu dans le ciel[Voir chap. 232]. »

16. Je dis : « Quant aux météores, leur origine est double. Ils peuvent être rejetés par le Soleil ; car le Soleil est un monde un million de fois plus grand que celui où nous sommes. De temps en temps, il se produit à sa surface des éruptions d’une dimension et d’une violence proportionnelles à sa taille. Au cours de ces éruptions, il s’en détache une quantité de masses grandes et petites, dures ou plus tendres, qui sont précipitées dans l’espace avec une violence que tu ne saurais concevoir, et il en arrive toujours quelques-unes dans les parages de cette terre. Dès que ces masses touchent quelque peu l’atmosphère de cette terre, elles s’échauffent et deviennent visibles sous l’aspect d’étoiles filantes. Et si elles viennent à entrer trop avant dans les couches d’air plus denses de la Terre, leur vitesse se ralentit, et, étant des corps pesants, elles sont alors attirées par la Terre et y tombent tout naturellement, soit sur le sol émergé, soit dans les eaux qui constituent la plus grande partie de cette terre.

17. C’est donc là la première sorte, et la plus fréquente, des météores qui apparaissent sur cette terre. Une autre sorte de météores, plus rare que la première, vient de la Terre elle-même. Dans le grand nombre des montagnes de cette terre, certaines sont en relation, à travers certains organes, avec les entrailles de la Terre, qui les nourrissent sans relâche. Peu à peu, cette « nourriture » se met à bouillonner de plus en plus violemment, et les grandes cavités des profondeurs s’emplissent d’espèces de gaz qui, lorsqu’ils sont fortement comprimés, s’enflamment aisément. Quand ces gaz s’enflamment ainsi, ils détruisent les parties les moins solides de ces montagnes, les traversent sous la forme de masses brillamment enflammées qui entraînent avec elles les blocs détachés et les précipitent avec une violence inouïe – comme c’était justement le cas de celui que nous avons vu tout à l’heure -, soit tout droit dans les airs, soit parfois dans quelque direction oblique au-dessus de la Terre, souvent à des centaines de lieues de l’endroit où ils sont apparus. Puis ils retombent sur la Terre, sans cependant lui causer de dommages.

18. Si tu étais tout près de l’une de ces montagnes qui crachent le feu, tu verrais très souvent de telles apparitions, et en grande quantité ; mais seuls parviennent jusqu’ici les morceaux qui, lorsqu’ils ont été rejetés par les montagnes du Caucase, non seulement ont nécessairement pris une direction qui devait les mener jusqu’ici, mais ont de plus été précipités avec une force suffisante. En outre, il faut qu’ils soient dès leur expulsion dans un état de forte incandescence, afin de vaincre plus aisément la résistance de l’air à leur course rapide, parce que l’air se raréfie instantanément sur leur passage et gêne ainsi moins leur course qu’un air froid, donc plus dense.

19. Je t’ai donné là de ce phénomène une explication toute naturelle, conforme à la sagesse terrestre, et qui doit te satisfaire. Quant à l’explication profonde et toute spirituelle, Je ne puis te la donner à présent, parce que tu ne la comprendrais pas ; mais, quand Je ferai descendre sur vous tous l’Esprit de vérité, il vous donnera toute la sagesse. – A présent, il est grand temps de rentrer, Regarde, tes deux sœurs viennent déjà nous chercher. »

20. Alors, entrant dans la maison, nous nous mîmes aussitôt à table et mangeâmes et bûmes dans la bonne humeur.

21. Quelques disciples, il est vrai, nous demandèrent ce que nous avions fait dehors pendant tout ce temps.

22. Et Je leur répondis : « Nous avons fait ce que vous n’avez pas fait ; et cela valait mieux que votre dispute sur la question de savoir si Belzébuth est ou non une personne. Mais à présent, mangez et buvez, car demain sera une chaude journée, et vous aurez besoin de toutes vos forces ! »

23. Alors, ils ne posèrent plus de questions, et chacun mangea et but ce qu’il avait devant lui.